Juin 18, 2016
La LIASSE n°6 L’affaire HURST
« Libérons l’école! »
http://getaway.eu.org/IMG/pdf/liasse_6_hurst.pdf
Jean-Louis Hurst est mort il y a peu. De nombreux textes lui rendent hommage évoquant assez précisément son passé de déserteur et de soutien à la libération de l’Algérie. Quelques uns font rapidement mention de ses démêlés avec l’Education Nationale. Or, pour notre part, c’est par ce qui s’est appelé « l’affaire Hurst » que nous l’avons rencontré. Avec cette liasse nous entendons apporter notre contribution, en tant que projet d’archives militantes, à l’hommage qui lui est rendu en éclairant un épisode moins connu de son parcours.
Nous avons eu entre les mains, pour commencer, le premier numéro de « Libérons l’école », sous-titré « l’Affaire Hurst » et c’est en voulant comprendre le fil de cette histoire que nous en avons cherché plus sur cet épisode mêlant questions pédagogiques, répression de l’Education Nationale et du Parti Communiste, usage de l’audiovisuel et enquête sur les conditions de vie et de logement des élèves.
En 1972 Jean-Louis Hurst enseigne au collège Degeyter à Saint-Denis en s’inspirant des pédagogies alternatives et en particulier de la méthode Freinet. Les enfants travaillent et enquêtent sur l’affaire et le procès de Buffet et Bontems qui occupe alors largement l’espace médiatique (consécutif à la prise d’otage à la prison de Clairvaux qui a défrayé la chronique, les deux protagonistes seront condamnés à mort et exécutés). Les élèves rejouent le procès et sont filmés par Slon Vidéo. Peu après une inspection-sanction survient, Jean-Louis Hurst est accusé de faire travailler les enfants sur des questions morbides, de ne respecter ni les programmes ni son rôle et sa place d’enseignant, et se retrouve muté d’office dans un autre établissement. Un bras de fer s’engage, avec d’une part les enfants, des parents, des militants et d’autre part l’Education Nationale et le PCF. Il refusera sa nouvelle affectation et sera radié.
Voilà rapidement pour les faits dont on trouvera ici la trace. Dans cette histoire on pourra lire des aspirations à une autre école, à un autre rapport à l’enfance, une réflexion sur ce que pourrait signifier « faire de la politique » à l’école. On rencontrera aussi un mouvement de solidarité autour d’un refus d’obéir dans lequel les enfants prennent leur place, énonçant une revendication commune : «libérons l’école !».
Tout cela est intéressant et significatif. Mais ce qui a plus encore attiré notre attention, c’est un élément dont certains écrits portent la trace : après son travail autour du procès de Clairvaux, les liens avec la 6ème C se resserrent, enseignant et enfants sortent de l’école et c’est avec une caméra qu’ils iront dans les bidonvilles, lieu de vie de certains d’entre eux. Or on verra dans cette liasse comment certains documents, auxquels nous avons été particulièrement attentifs, font de cet épisode la raison de l’affaire dont le procès de Clairvaux n’aurait été que le prétexte, montrant par là à quel point témoigner de la réalité des bidonvilles dans une optique contestataire pouvait alors être insupportable au pouvoir en place, y compris (peut-être à l’époque surtout) aux municipalités communistes.
Ce sont donc deux problématiques sur lesquelles les Archives travaillent en ce moment que l’affaire Hurst croise, la question de l’école et des mouvements de scolarisés, et celle des bidonvilles au début des années 70. Nous avons d’ailleurs consacré une liasse à chacun de ces deux sujets, téléchargeables sur le site des archives.